Cette semaine, l’émission C’est dans l’air, présentée par Yves Calvi sur France 5, avait pour sujet « Google, maître du monde ». Je suis toujours étonné du degré d’ignorance des gens sur les informations que Google peut collecter sur eux. Cette émission m’est apparu très intéressante parce qu’enfin on parle des actions borderline, voire totalement illégales, de la firme californienne au niveau du respect de la vie privée, de l’exploitation des données, … tout cela au grand public à la télévision, sans florilèges, juste des faits et des paroles censées. Et puis, la notion de transhumanisme est aussi développée, et personnellement, c’est la première fois que j’en entends parler. Du coup, l’envie d’en faire un article est venue d’elle-même.


C dans l’air : Google maître du monde 13/02/14 par Sgtpepperv2

Le Search peu abordé

Le moteur de recherche de Google, c’est environ 90% de part de marché du Search en France. Et, petit regret personnel, la politique (récente ?) de Google pour son moteur de recherche, les conflits pour abus de position dominante, ne sont pas abordés.

Néanmoins, l’un des intervenants l’évoque l’espace de quelques remarques, manière de faire comprendre que le search n’est lui non plus pas au dessus de tout soupçons.

Google n’est pas gratuit. La firme enregistre toutes vos recherches et amasse des données précieuses et loin d’être gratuites.

Avec ses données, chacun d’entre nous, nous sommes profilés à notre insu.

Il s’agit de Benjamin Bayart, j’y reviens plus bas.

La fiscalité et ce concept : Double irlandais et sandwich hollandais

Premier reportage de l’émission, il ne révèle rien de nouveau chez les grandes multinationales, mais il rappelle comment Google gère habillement son évasion fiscale. Le concept expliqué ici est le Double irlandais, et le sandwich hollandais.

Le double irlandais

Siège social européen basé en Irlande, pays où l’impôt sur les sociétés n’est que de 12,5% (contre 33% en France).

Et Google France, reverse ses bénéfices à son siège social. Ainsi, l’entreprise n’a déclaré que 193 millions de CA, contre près d’un milliard et demi généré réellement en France. (Chifres 2012).

Logique puisque la régie publicitaire Adwords facture depuis l’Irlande.

Le sandwich hollandais

Les profits enregistrés en Irlande sont ensuite transférés à une société aux Pays Bas. Cette société ne contient aucun salarié. Ils sont, à ce moment là du montage, imposés à taux zéro, selon la législation néerlandaise qui ne prélève pas à la source.

Puis, ces mêmes profits reviennent en Irlande vers une troisième société. L’Irlande ne peut les imposer de nouveau puisqu’ils ont légalement déjà été imposés en UE aux Pays-Bas, même si c’était à taux zéro.

Et pour finir, ils sont transférés vers un paradis fiscal, les Bermudes. Le tour de passe passe est terminé !

La France pleure son milliard

Ainsi, la France voit s’envoler environ un milliard d’euros d’impôt. Mais le plus dramatique, c’est bel et bien que ce montage s’appuie sur les textes de l’Union Européenne. Faudrait être con de s’en priver n’est-ce pas.

Le redressement fiscal n’est pas accepté par Google qui applique la politique du fait accompli, appelée par Pascal Perri “le fait fiscal du prince“. A savoir que tout ce qui gagné n’est plus a négocier, selon eux.

GMAIL, un espion qui ne vous veut pas du bien

Outre la fiscalité, le deuxième reproche effectué est celui du secret de la correspondance non respecté par Google. Avec Gmail, ils sont accès à la totalité de votre correspondance privée.

Data Center de Google pour stockées vos données

Informations collectées et stockées

Votre courrier est lu, votre comportement concernant vos mails est aussi pris en compte. Ce comportement est même valorisé par Google selon que vous attribuez un classement important ou pas, que vous le lisiez ou pas… Et même votre relevé bancaire qui arriverait en pièce jointe sur Gmail est lu, compris, et archivé.

Le mail, même effacé, est encore dans les archives de Google. Tout comme les personnes avec qui nous échangeons des mails, de quoi nous parlons, les liens web échangés au cours d’une conversation, et à quelle date nous avons eu ces échanges.

Droit d’auteur versus copyright

Tout ceci est contraire à la loi, française notamment. Mais si vous regardez les conditions d’utilisation du service gmail, Google considère que ces données leurs appartiennent comme s’ils en étaient les auteurs.

Tout cela met en opposition de le droit d’auteur à la française et le copyright en droit américain, copyright sur lequel s’appuie notamment Facebook pour s’approprier vos photos.

Evolutions de la firme pour le recul de la mort

Google est en effet une entreprise qui cherche en permanence à se diversifier, en particuliers sur des technologies nouvelles et futures. L’intelligence artificielle, la robotique, la lutte contre le vieillissement, …

La création date de 1998 à San Francisco, par Larry Page et Sergueï Brin. Avec le succès du moteur de recherches et de la régie publicitaire, Google rachète d’éventuels concurrents à l’occasion, mais surtout se diversifie énormément, dans des domaines parfois très éloignés du Search, pour être au cœur du domaine qui sera le plus rentable à l’avenir.

La Robotique : Google a racheté la totalité des concurrents sérieux du domaine. L’optique est d’y trouver une future utilité dans le développement de l’Intelligence Artificielle.

Les objets connectés, avec la Google Glass.

Mais au final, le relai de croissance affiché aujourd’hui n’est autre que le vivant. Avec des filliales traitant par exemple du séquençage génétique. Dernier exemple en date, les lentilles de contact développées par leurs soins qui mesurent la glycémie.

Par son moteur de recherche, son immensité de données collectées, et son savoir-faire pour utiliser des milliards de données, l’avance est considérable pour s’attaquer à des marchés tel que la santé, mais aussi aux nanotechnologies, (nano)biotechnologies, les sciences du cerveau et l’informatique. D’autant plus lorsqu’on est la deuxième capitalisation boursière aujourd’hui.

La mort de la mort ou le transhumanisme

Le géant américain mise beaucoup sur la recherche en matière d’intelligence artificielle. Nous y sommes qu’au stade de l’embryon, mais le but ultime est de d’en servir pour mieux comprendre le corps humain, son fonctionnement, et ainsi mieux et plus vite prédire les maladies. En bref, aider à lutter contre la mort.

Le transhumanisme prend sa source dans les recherches Google

C’est simple, tu cliques ici et tu viveras 10 ans de plus !

Le transhumanisme, c’est utiliser les nouvelles technologies, et plus généralement tous les outils possibles, pour faire reculer la mort. Il s’agit là de l’idéologie de ses dirigeants.

Larry Page et Sergueï Brin étant majoritaire au conseil d’administration, il n’y a pas de raison qu’ils ne mettent pas en pratique leur idéologie transhumaniste. D’autant plus qu’ils sont concernés personnellement. Un des deux subit une maladie de la gorge. Et l’autre à bénéficier du service de séquençage génétique de google pour découvrir qu’il avait des prédispositions à la maladie de Parkinson. De quoi les motiver encore plus.

L’espérance de vie augmentera au 21e siècle, et Google est précurseur en la matière, avec un objectif de 10 à 20 d’années gagnées dans les prochaines décennies.

Les intervenants de C’est dans l’air

Quatre intervenants étaients présent pour cette émission de C’est dans l’air, intitulée Google maître du monde.

Laurent Alexandre, chirurgien et expert en technologie du futur.

  • Président de la société de séquençage génétique DNAVision.
  • Auteur de « Google Démocratie »
  • Fondateur de Doctissimo.

Il pense que l’intelligence articielle est pour demain 2050, et que le cerveau humain sera supplanté en intelligence par ces travaux menés par Google.

Pascal Perri, économiste spécialiste des questions de concurrence et du low cost.

  • Dirigeant du cabinet PNC
  • Auteur de Google, un ami qui ne vous veut pas du bien »

Il dit que le vrai maître du monde n’est pas celui qui voit les consommateurs, mais celui qui sait, et peut personnaliser sa réponse. On en revient (indirectement) au Search.

Il pense aussi que le numérique est en réalité la révolution économique du 21e siècle, et ramène cela aux lacunes de l’état français.

Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL.

  • Présidente de la commission nationale informatique et liberté, la CNIL.

Son idée serait plutôt celle-ci : Arrêter la fascination répulsion vis-à-vis de Google et autres Amazon et Facebook. Il faut être très vigilent et les laisser travailler. Mais il faut aussi mettre en place un rapport de force en Europe en contrepartie de la collecte des données que Google réalise.

Les individus peuvent –ils être quantifiés et surtout qualifiés au travers de l’analyse quantitative des données collectées, sa réponse est non.

Benjamin Bayart, expert en télécommunication.

Benjamin Bayart regrette le manque de moyen de la CNIL. Il met en doute la légalité du fichier de données que google possède sur chacun de nous, car il ne peut être que nominatif.

Pour lui, nous ne sommes pas le client de Google. Nous sommes la marchandise qui sert de monnaie d’échange à son véritable client, les publicitaires.

Il aborde au cours de l’émission la question des alternatives à Google. Pour le moteur de recherche, il concède qu’il est dur de s’en passer, même s’il y a des solutions telle que Duck Duck Go. Il lâche notamment une petite phrase au passage sur l’intrusion dans la vie privée que Duck Duck Go peut régler, et à laquelle la CNIL devrait plus s’y intéresser, Google étant pointé du doigt.

Une émission C’est dans l’air sur Google Search et l’abus de position dominante ?

Les quatre intervenants autour d’Yves Calvi m’ont tous parus intéressant à écouter. Mais j’aimerai beaucoup réentendre le dernier, Benjamin Bayart, qui à mon avis n’a dit qu’une toute petite partie des choses qu’il avait caché dans sa barbe.

En bref, cette émission m’a bien plus, car elle vulgarise, juste ce qu’il faut, ce que fait Google. Et, espérons, peut faire prendre conscience à l’utilisateur lambda que tout n’est pas si rose. L’aspect sociétal et la nécessité d’accompagner la croissance du numérique, et les lacunes de la France, sont aussi évoqués dans cette émission.

Maintenant, à quand un deuxième numéro dans la même lignée pour aller plus loin ? Non pas dans le temps, mais pour creuser ce qui existe déjà.

Une question est intéressante et primordiale selon moi. Google est ultra dominant sur le search et dispose de guidelines qui lui sont propres. Est-il légal de profiter de sa position pour faire disparaître de ses résultats, des sociétés qui usent de pratiquent totalement légales, mais contraire à ses guidelines ? Ne sommes-nous pas là face à un abus de position dominante, qui plus est lorsque la société est un concurrent direct ou indirect de sa régie publicitaire ?

Pas contre un petit partage, merci !

5 thoughts on “Google borderline, Google transhumaniste ?

  1. Erwan MILBEO

    Extra Regis ! :)

  2. Watcheezy

    Le danger est d’autant plus grand pour les pays occidentaux où le moteur de recherche Google est un acteur incontournable avec au minimum 89.8% des parts de marché (donnée de 2010 publiées par le JDN http://urlz.fr/fhv)… De quoi récupérer un maximum de données…

  3. La-Baule

    Depuis de nombreuses années dans le secteur informatique, de nombreux responsables de SI et professeurs d’université se sont battues pour la position dominante de certaines entreprises américaine. Hors aujourd’hui, certainement parce que les services de bases sont gratuits, la société GG établi un sérieux maillage dans tous les domaines.

  4. Yassine

    Très bel article (j’en ai profité pour regarder la vidéo). Je déplore aussi le fait qu’on ai pas traité “la recherche” comme étant la première problématique. On l’ a bien vu, Google a droit de vie ou de mort sur beaucoup de business.

  5. IFDP

    Voilà plusieurs années maintenant que Google se repose sur les lauriers de sa réussite et de la bonne image qu’il a réussi à glaner avec des produits et services intéressants et pour beaucoup gratuits. Sauf que si les personnes qui travaillent dans le web savent (et pour certains dénoncent) leurs pratiques sur la vie privée depuis longtemps, le grand public ne commence que très très doucement à y prêter attention.

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